Voir et lire n°218

© Calvès / Ouest-France
© Calvès / Ouest-France

Bruno Calvès, Brest. Hier et aujourd'hui, Ouest-France, 2014, 120 p. ill.


Si le paysage urbain parisien a été bouleversé par le Baron Haussmann au cours du XIXe siècle, celui de la cité brestoise l'a été par les destructions occasionnées par le dernier conflit mondial ainsi que par les orientations prises par les décideurs lors de la reconstruction de la ville. L'homme ayant souvent la mémoire courte et parfois même polémique, d'aucuns se posent la question de savoir « comment c'était avant ». Dans son ouvrage, même s'il n'est pas exhaustif, l'auteur Bruno Calvès, en partant d'images, de cartes postales et autres supports représentant l'ancien Brest – celui que beaucoup idéalisent – s'est appliqué aujourd'hui en retrouvant le même angle de prises de vue, pour, sinon comprendre, constater les changements. Nombre d'ouvrages ont fait état de l'ancien Brest, d'autres, du nouveau, mais aucun jusqu'alors n'avait allié les deux.

Gérard Cissé

© Coatpéhen / Locus Solus
© Coatpéhen / Locus Solus

Pierre Coatpéhen, En mission avec la 2ème D.B., Locus Solus, 2014, 146 p. ill.


Les dynamiques éditions Locus Solus ont récemment exhumé le passionnant témoignage de Pierre Coatpéhen (1922-2004). Initialement parus en 2004 de façon ultra confidentielle sous le titre J’étais dans le char historique, les souvenirs de Coatpéhen s’intitulent désormais En mission avec la 2ème D.B. Le sous-titre de l’ouvrage, De La Libération de Paris au Nid d’Aigle, résume à lui seul l’atypique parcours de ce jeune soldat finistérien, natif de Brest, tireur du premier char qui entrera dans Paris le 24 août 1944, le jour précédant l’arrivée de la 2ème Division Blindée commandée par le général Leclerc. En mots simples mais précis, Pierre Coatpéhen raconte son départ de Brest à seulement dix-sept ans pour l’Angleterre, sa guerre du désert au sein de l’armée africaine de Leclerc, son débarquement à Utah Beach sur son char le Romilly, l’entrée dans Paris sous les vivas de la population, la Libération de Strasbourg en novembre 1944… Avec ses camarades, Coatpéhen sera également de ceux qui prendront d’assaut Berchtesgaden et s’empareront le 4 mai 1945 du Berghof, le fameux nid d’aigle d’Adolf Hitler… Ce petit livre qui se lit d’une traite regorge de documents, de cartes et de photographies confiés par la veuve de cet acteur méconnu d’une page fondamentale de l’histoire française et européenne du XXe siècle. Passionnant.

 

Brieg Haslé-Le Gall

© Guillou / Skol Vreizh
© Guillou / Skol Vreizh

Anne Guillou, Terre de promesse, roman, Skol Vreizh, 2014, 304 p.

 

Le roman est né de la découverte des informations concernant Hervé de Guébriant, l’Office Central de Landerneau et ses différentes actions. Il s’inspire de la migration organisée des Bretons vers la Dordogne et le Lot-Et-Garonne à partir de 1921, et pendant l’entre-deux guerres. Il met en scène une famille paysanne qui, à l’étroit sur des terres trop rares, part de Keravel en Guimiliau pour s’installer dans une métairie aux environs d’Eymet, au sud de la Dordogne, en 1926. Une fillette de six ans raconte le bouleversement qu’elle a vécu lorsqu’elle a été transplantée de Bretagne en Aquitaine. Le roman-document met en exergue la douleur de « l’arrachement », vécue par la mère essentiellement, les embarras que furent le déménagement, le voyage en train avec matériel et cheptel, et l’arrivée dans une campagne étrangère, parfois hostile. L’ouvrage décrit et analyse la lente acclimatation de la famille dans un pays nouveau par son sol, sa langue, son rapport à la religion, ses productions. Vécu de manière particulière par les différents personnages, le ré-enracinement s’opère et, malgré les aléas de toutes sortes, la famille exilée retrouve un nouvel équilibre. La déclaration de la guerre en 1939 vient perturber la vie paisible de ces Bretons installés en zone libre. Avec une précision toute ethnologique, une approche sensible des êtres déracinés, Anne Guillou brosse ici une fresque paysanne pleine de rebondissements. Elle donne vie à des personnages attachants, entreprenants, courageux, déterminés, comme le père Alain, la mère Jeanne, qui puisent dans leur héritage culturel léonard la force de faire face, tout en conservant au coeur, malgré leur réussite, la nostalgie du pays perdu. L’histoire de cette famille se confond avec toutes celles des émigrés en quête d’une vie meilleure qui s’arrachent à leur terre natale, s’implantent dans un monde inconnu, pour y construire une vie nouvelle.

La rédaction

© Lavoie / Valeurs d'Avenir
© Lavoie / Valeurs d'Avenir

Gilles Lavoie, La Consulaire ou le feu du diable, Une enquête judiciaire du capitaine Corentin Karloff, Valeurs d'Avenir, 2014.


Un roman qui va vous déranger et vous emmener loin dans le temps et l'espace. C'est promis ! Base Navale de Brest – Le capitaine Corentin Karloff conduit une enquête qui commence sans mobile : un engin de démolition complexe explose, tue de parfaits inconnus et provoque la chute de La Consulaire, vestige oublié sur un quai de l’arsenal. Acte terroriste ? Quoi d’autre ? De Brest à Innsbruck puis à Rome, de rencontres en péripéties, les investigateurs apportent des réponses qui dérangent... Ce roman policier éclaire un pan de notre Histoire sous un jour neuf. Il prend ses racines au coeur d’un terrain de fouille fertile et emporte le lecteur du XVIe au XXIe siècle. À partir d’un passé foisonnant, il découvre des clés qui ouvrent certaines portes inattendues du présent. Les personnages, aussi divers que typés, ne laissent pas indemnes, qu’ils aient ou non existé. Hommes et femmes de passions, ils livrent sans détours leurs émotions et leurs questionnements. La gendarmerie maritime, peu connue hors des ports, offre ici un cadre inédit et permet à l’auteur de brosser quelques portraits savoureux et drôles de ces hommes attachants au service des gens de mer.

 

L'auteur

© Hascoët / Sutton
© Hascoët / Sutton

André Hascoët, Lambézellec. Naissance et développement d'une commune industrieuse, Sutton, 2014, 183 p. ill.

 

« J'ai été une ville à part entière ». Et pas n'importe quelle ville, semble vouloir dire le titre donné par André Hascoët à son ouvrage. Comme ses soeurs de sang banlieusardes entourant le Brest historique, Lambézellec a eu son identité, son histoire et ses gens. Commune agricole s'il en est, elle verra très tôt se développer des sites industriels, entre autres dans la vallée du Moulin à Poudre où l'eau de la rivière fournissait, sinon l'énergie pour faire tourner les moulins, mais aussi, suivant les époques, cette précieuse denrée était indispensable à la bonne marche des brasseries ou au travail des cuirs. Dévastée par des querelles idéologiques qui suivirent la Révolution, un homme providentiel, Jean Marie Alexandre Bouet, fera sortir cette commune de son marasme. Il relance ou il crée, les services publics quasi inexistants et organise tout ce qui est nécessaire pour que Lambézellec se développe. On parle aujourd'hui de l' « Ère Bouet ». Il a été deux fois maire de Lambézellec et son fils lui succédera. Mais il reste encore de nombreux points à gérer, du fait de la puissance envahissante de sa voisine, Brest. Tout continuera ainsi, émaillé de quelques conflits politiques et idéologiques, ainsi qu'une crise financière, jusqu'à la Première Annexion en 1845. Le Génie militaire fait alors déplacer le rempart et annexe le quartier de l'Harteloire. Bien qu'ayant des rapports tendus avec Brest, la ville renaît, le secteur industriel se confirme. En 1858, le séjour de l'Empereur Napoléon III à Brest, accompagné de son épouse, et leur passage sur les terres de Lambézellec, sont très profitables. Il donnera un nouveau coup de fouet. Mais l'ogre brestois manque encore de place dans ses murs. En 1861, ce sont 172 hectares de terres qui sont annexés à Brest. Lambézellec ne descend plus jusqu'à la mer. Avec des hauts, des bas, une alternance politique, la commune entre dans le Premier conflit mondial. C'est alors que se crée, centré sur le terroir de Pontanézen, le plus grand camp américain en métropole, pour les soldats en transit. Néanmoins, l'Annexion s'est développée et un nouveau quartier est né, autour d'une église, Saint-Martin. C'est à la fin de la guerre de 39-45, quand il s'est agi de mutualiser les moyens pour reconstruire la cité brestoise terriblement endommagée, que les politiques du moment décidèrent de créer le Grand Brest en annexant les communes périphériques, Saint-Pierre-Quilbignon, Saint-Marc et Lambézellec. L'auteur a su, par un travail de recherches minutieuses et très documenté, enrichi d'une iconographie en partie inédite, retracer par le moindre détail l'histoire de Lambézellec, commune rurale, maritime et industrielle, qui ne pouvait pas vivre sans Brest, tout en tentant perpétuellement de s'en séparer. Cependant, en 1944, Lambézellec deviendra tout simplement un bourg de Brest, mais garde tout de même son âme.

Gérard Cissé

© Locus Solus
© Locus Solus

Christophe Marquet, Philippe Le Stum et Valérie Sueur-Hermel, Hokusai, Hiroshige, Rivière. L’amour de la nature, Locus Solus, 2014, 144 p. ill.


À l’occasion d’une exposition présentée au Musée départemental breton de Quimper du 28 juin au 28 septembre 2014, cette belle monographie d’art a vu le jour, offrant aux amateurs d’estampes et d’ambiances japonisantes une nouvelle référence fort habilement conçue. Figure majeure du Japonisme, le dessinateur-graveur Henri Rivière (1864-1951), créateur de superbes estampes en couleurs, fut l’un des premiers à populariser et faire découvrir à ses contemporains les oeuvres de Hokusai (1760-1840) et de Hiroshige (1797-1858), artistes dont il collectionnait les créations. Si ce dernier se distingue par son amour à représenter les atmosphères des villes et les beautés des jardins (citons ses sublimes Vues des jardins et parcs d’Edo), Hokusai est universellement connu pour ses Trente-six vues du Mont Fuji, et comme créateur du Manga, à savoir « l’esquisse dessinée », qui donnera son nom aux bandes dessinées nippones. Rivière partage avec les deux maîtres japonais ce même amour de la nature, véhiculant dans ses plus fameuses séries d’estampes (évoquons Les Aspects de la Nature et sa célébrissime Féérie des heures), ce même respect pour la flore, l’environnement, la faune. Ce regard croisé entre trois artistes de génie est ainsi mis en exergue par trois spécialistes du sujet au sein d’un livre-objet, imprimé sur un papier japonisant du plus bel effet. Proposant pas moins de 120 reproductions d’une qualité rarement égalée, cette monographie bénéficie également d’une inventive mise en pages signée Stéphane Hervé, graphiste associé des éditions Locus Solus. Absolument somptueux.

 

Brieg Haslé-Le Gall

Émile Kerjean, Le Gabon au coeur. 1921-1962 : Le monde de Jean Kerjean, 547 p. ill. Autoédition.

 

Jean Kerjean, né à Brest le 19 janvier 1895, religieux spiritain, grand baroudeur comme beaucoup de missionnaires, est mort le 18 juin 1962. Après les combats, les années de formation au séminaire, il part en 1924 pour le Gabon et Okano sur les rives de l’Ogooué, première mission où il fait des débuts particulièrement difficiles, marqués par la disette. Un séjour au Fernan Vaz, la mission au pays de l’eau, avant de revenir à Okano , puis ce sont les missions de Sainte-Marie et Saint-Pierre de Libreville, de Donguila, dans l’estuaire du Gabon, de Ndjolé à nouveau sur l’Ogooué, de Makokou, à proximité du confluent de l’Ivindo et de la Liboumba, loin, là-haut, dans le nord-est du Gabon et plus loin à Kemboma, à Batouala, au milieu de la forêt, et encore de Fernan Vaz avant de revenir définitivement à Libreville. Quel voyage est-on entraîné à faire dans les pas de ce missionnaire, et à travers les récits, les témoignages de personnalités variées dont cette vie a suscité la rencontre ! Un voyage dans l’espace, celui de la forêt équatoriale et sur des fleuves mythiques, l’Ogooué et l’Ivindo, remontés dans un passé relativement proche par un autre Brestois, d’adoption celui-là, Savorgnan de Brazza. Un voyage qui nous permet de connaître les coutumes, l’art des différentes ethnies rencontrées par le missionnaire. Un voyage dans le temps, celui des missions catholiques du Gabon colonial, aux côtés d’un de ces « bons pères de la brousse, qui se [levaient] la peau pour faire un peu de bien », comme le disait justement le premier président du Gabon, Léon M’Ba.

Émile Kerjean

© SHAB
© SHAB

Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, tome XCII, 2014, actes du congrès de Nantes, 546 p. ill.


La Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne nous livre une fois encore un volume très dense sur deux thèmes, un local (Nantes), l’autre plus théorique et un peu moins convainquant (archaïsme et modernité). Sur la cité des ducs de Bretagne, nous trouvons un article de Louis Chauris sur la pierre de construction, révélateur des approvisionnements nantais. Antoine Rivault s’est penché sur la défense de Nantes au temps des guerres de Religion (vers 1550-vers 1590), Dominique Le Page sur la présence des hommes de la Chambre des comptes à Nantes au XVIe et XVIIe siècles, Marcel Launay sur le diocèse dans la seconde moitié du XXe siècle et Denise Delouche traite de la modernité en matière artistique à travers l’accueil plutôt frais par le musée de Nantes de la donation Fardel (1958) constituée d’oeuvres d’art contemporain. Une deuxième série d’articles concerne la mer et ses richesses, tant dans la région nantaise que plus généralement en Bretagne. Les médiévistes Alain Gallicé et Laurence Moal réinterprètent le commerce maritime nantais à la fin du Moyen Âge, Jean-Luc Sarrazin traite de la saliculture de la baie de Bourgneuf à la fin du Moyen Âge, Jean-François Caraës, relate l’affaire dramatique du navire négrier Le roi Guinguin (1764-1766), Julie Boivin aborde la course nantaise pendant la Révolution (1793-1799) et Jean-Louis Kerouanton et Benjamin Hervy les rapports entre la ville et le port en 1900 à partir de la maquette de Duchesne. La confrontation entre archaïsme et modernité forme la seconde partie de l’ouvrage et est plus décousue. Vincent Launay s’interroge sur la question sur l’existence d’une fiscalité royale en Bretagne aux XIIIe et XIVe siècles mais il s’agit surtout de la politique très insistante de Philippe le Bel (1285-1314) vis-à-vis de son grand vassal. Stéphane Perréon se penche sur le casernement des soldats dans les villes bretonnes au XVIIIe siècle, Philippe Hamon sur l’engagement des ruraux à la guerre de la fin du Moyen Âge à la Révolution. Gwendoline Meyniel dresse quant à elle la biographie du médecin rennais Adolphe Toulmouche (1798-1876), David Bensoussan étudie le syndicalisme agricole et la question de la modernité (fin XIXe-années 1960) tandis que François Prigent questionne les rapports entre les gauches et l’identité culturelle bretonne en 1951. L’ouvrage se termine par un texte de Daniel Le Couédic sur la divulgation des prix d’architecture en Bretagne entre 1992 et 2012. On trouve ensuite les rubriques habituelles dont une importante partie de comptes rendus bibliographiques (un peu plus de 100 pages) et des visites de la SHAB à Nantes et en région nantaise. Ce bel ouvrage ravira tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de Bretagne du Moyen Âge à nos jours.

 

Yves Coativy

La Société d'Études de Brest et du Léon, éditrice des Cahiers de l'Iroise, a été fondée en 1954.

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